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Les momies de Venzone.

Venzone est une commune italienne de la région du Frioul-Vénétie julienne. Elle est implantée sur le site stratégique d'un ancien camp militaire romain mais son réel développement ne vient qu'avec la construction de son enceinte en 1258.

La construction d'une cathédrale en 1338 montre l'importance que prit la ville au début du XIVème siècle. Durant cinq siècles des caveaux creusés dans le sol de l'église servirent à accueillir les dépouilles des dignitaires de l'église locale et les personnages importants de la ville.

En 1647, à la faveur de travaux de rénovation, une première "momie" est retrouvée. Elle fut appelée "le bossu" au vue de sa posture due à sa position d'ensevelissement .

C'est de nouveau grâce à des travaux, d'élargissement de la cathédrale cette fois, que de nombreuses momies sont découvertes au début du XIX siècle, attirant alors l'attention d'un physicien travaillant au sein de l'hôpital de la commune voisine de Udine : F.M Marcolini. Il est à la base de la 1ère étude "sérieuse" sur les momies de Venzone. En effet en 1829 il pratique l'autopsie (malheureusement destructrice...) de l'une d'entre elle, et publie ses conclusions, fournissant des descriptions précises de 17 d'entre elles. Il donne également les noms et les dates de décès des personnes dont les corps se sont momifiés et il les décrit, constituant ainsi un document très important.

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B. Biasoletto, directeur du Jardin botanique à Trieste, examine à son tour les momies et identifie un champignon comme responsable du remarquable état de conservation des corps. Il l'identifie comme étant l'Hypha hombycina Pers., ce qui suggère que le champignon croît par extraction de l'eau des corps. Marcolini pense plutôt à l'action d'un gaz acide provenant du sol et à la formation d'adipocire. L'explication de Biasoletto reste dans les esprits comme étant la seule explication valable et le mythe de Hypha hombycina Pers. persiste jusqu'à nos jours et il prolifère même encore dans bien des articles sur le sujet.

En 1850, 27 momies sont retirées des caveaux et placées dans des vitrines, dans le baptistère adjacent à la cathédrale, afin de satisfaire la curiosité de nombreux visiteurs. Plusieurs momies de cette collection ont été perdues, deux ont été transférées à Vienne peu après la conquête par Napoléon de la région et son annexion à l'Autriche, deux ont été transportées à un musée New-yorkais et deux autres à Rome ou à Padoue.(Galassi 1950).

Le 6 Août 1950 Dr A. Galassi de l'Université de Bologne inspecte les momies exposées dans le baptistère et les compare avec les descriptions de Marcolini. Il trouve peu de changement, à l'exception de la perte des cheveux et de la barbe rouge de la momie n°5 (Sacerdote Mistrozzi). Il ajoute également ses propres descriptions de cinq momies supplémentaires exhumées depuis la visite de Marcolini.

21 momies continuèrent à être exposées dans le baptistère de la cathédrale jusqu'à la tragédie de 1976. Mais c'est au total plus de 60 momies qui furent retrouvées et conservées dans le bâtiment.

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Le 6 mai 1976, un tremblement de terre important centré près de Venzone cause des dommages considérables à la région, et un second, le 15 septembre, d'une violence catastrophique met à terre la plupart des bâtiments de cette petite cité ainsi qu'une grande partie de la cathédrale et l'ensemble du baptistère. Les momies sont ensevelies sous les décombres.

Un naturaliste local réunit de nombreux bénévoles afin de récupérer les momies, 22 d'entre elles sont trouvées relativement intactes, d'autres en revanche sont démembrées. Seulement 15 des momies endommagées purent être sauvées par un travail de reconstitution à l'aide de photos prisent avant le séisme.

Craignant les dégradations d'origine bactérienne ou fongique, les corps sont lavés avec un mélange de formol et de phénol, puis ils sont stockés dans une pièce dont les murs sont lavés avec une solution similaire. Ils sont ainsi conservés pendant la durée de la reconstruction des bâtiments reposant sur des journaux imprégnés de formol (Mainardis 1983).

Alors que penser de tout ceci ? Un champignon a-t-il la capacité de capter les fluides émanant d'un corps avec suffisamment de rapidité et de volume de captation pour empêcher une putréfaction ? Pour retrouver une trace de ce champignon il est nécessaire de parcourir les textes de taxinomie mycologique du 19ème siècle, on obtient ainsi une description de l'organisme auquel cette étiquette a été appliquée.

Une publication de 1822 suggère que ce nom fut créé par Persoon en 1822 et a persisté au moins jusqu'à 1899 (Saccardo). Il a été décrit comme étant blanc, cotonneux... Malheureusement, cette formulation est trop "non spécifique" pour permettre son identification. Tout ceci paraît fort improbable. Une étude fongique des momies est pratiquée en 1980 (accompagnée d'une étude des sols des caveaux). Elle est complétée par une étude du pH, des métaux lourds et du carbone permettant normalement d'avoir une vision plus globale de la raison possible de la préservation.

Pourtant comme on le constate les résultats sont peu concluant sur la cause de la momification. Ils permettent toute fois d’éliminer une action fongique significative. Aucune étude plus précise n'a été réalisée à ce jour et les momies de Venzone garderons sans doute encore longtemps leurs secrets.

Compléments pour aider a la comprehention de l'article :

Pour comprendre la momification dite "naturelle" il paraît essentiel de saisir les mécanismes qui provoquent la disparition des tissus mous de l'organisme et ainsi aborder certaines solutions qui permettent de bloquer ou de retarder l'action des enzymes à l'origine de la lyse post mortem.

Lorsque la mort survient, dans la grande majorité des cas la dissolution des tissus mous est assurée par différentes actions enzymatiques. Les enzymes sont des protéines à activité catalytique, et l'évolution fait qu'elles fonctionnent mieux dans les plages de température et de pH qui sont les caractéristiques physiologiques des êtres vivants les possédant (pour l'humain, la température physiologique est de 37 degrés et le pH autour de 7,4). Ces enzymes proviennent essentiellement de trois sources:

  • les tissus du corps lui-même (ce sont principalement des enzymes intracellulaires, la plupart du temps d'origine lysosomiale ).
  • les bactéries (provenant essentiellement du côlon) .
  • les insectes de l'environnement.

Certaines propriétés sont partagées par la plupart des enzymes. Elles ont par exemple un degré élevé de sensibilité aux changements environnementaux tels que la température, les variation de l'acidité (pH) et la présence forte d’ions métalliques. En outre, toutes les enzymes ont besoin d'un milieu liquide pour être actives. La prévention de la destruction (la lyse) post-mortem des tissus mous dans une situation donnée doit donc impliquer un ou plusieurs de ces facteurs entraînant une inhibition partielle ou totale de l’action de l'enzyme.

Action thermique :

La préservation par le refroidissement ou la congélation fait partie de notre quotidien, et chacun d’entre nous a en tette des momie telles que La Momia del Cerro El Plomo découverte en 1954 en haute altitude et parfaitement conservée. Lorsqu'on s'éloigne de la température physiologique il n’y a plus ou peu d'activité enzymatique: par diminution de l'entropie, pour les températures froides, mais aussi par dénaturation protéique lorsque la température augmente.

Action chimique :

La documentation sur la momification naturelle due au variation du PH est extrêmement importante et il est tout à fait concevable que l'eau d'écoulement pénétrant à l'intérieur d'un caveau ou d'une fosse d’ensevelissement deviennent suffisamment basique pour que, lorsqu'elle aura saturer la dépouille, l'activité enzymatique soit bloquée.

De même les métaux lourds (présent dans les bijoux, dans les clous du cercueil ou dans le sol) permettent couramment la préservation d'une dépouille (citons l'arsenic qui fut longtemps utilisé pour base des fluides de préservation).

Nous pouvons aussi évoquer l’absence d’oxygène (à défaut de meilleur proposition de vecteur de conservation...) qui est intervenue dans la préservation d'une momie chinoise décrite par le Dr Wu en 1980.