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Jean Baptiste Carhaix - L'embaumement

SUR L'EMBAUMEMENT

Je comprends qu'on veuille et qu'on puisse être embaumé après sa mort :  si j'emploie le verbe "pouvoir", c'est parce qu'on le refuse aux morts victimes du sida ; j'ai d'ailleurs signé une pétition il y a quelques mois pour afin que ces victimes  puissent l'être, si tel était leur souhait. Personnellement je ne désire pas être embaumé. Je n'ai plus de famille susceptible d'entourer ma dépouille avant son inhumation. Je souhaite être simplement incinéré sans avoir au préalable été "préparé" et j'ai confié cette tache à une grande et chère amie.

Je veux que mes cendres soient éparpillées dans la baie de Golfe-Juan, petit port de la Riviera où je suis né et ce, en un lieu précis : au pied du phare de La Pierre Fourmigue, à une encablure des îles de Lérins ; mon grand-père m'y amenait pêcher dans son pointu. Des amateurs et des professionnels de la pêche sous-marine considèrent l'environnement aquatique de ce rocher comme un "jardin du souvenir", un jardin d'algues et de coraux.

Toutes les civilisations ont eu ou ont des rites funéraires mais l'extravagance des anciens rites égyptiens a frappé plus que tout autre l'imagination des occidentaux. Qui n'a pas été fasciné par les momies des Pharaons dans son enfance ? Reproduites dans les manuels d'Histoire, exposées au Louvre, puis en vedettes dans des films d'horreur dans lesquels elles se réveillent, se lèvent et perturbent la vie des archéologues et parfois même les trucident (je trouvais que c'était ce qu'ils méritaient !).

A mon adolescence j'avais vu les momies et les sarcophages des collections égyptiennes du Louvre. Mais à 21 ans en 1967, je m'offris un voyage à Paris pour visiter la première exposition montrant le mobilier funéraire trouvé en 1922 dans la tombe du Pharaon Toutankhamon1 . Je reproduis ici le discours qu'André Malraux, Ministre de la Culture, a lu lors de son inauguration : "Et ce qui paraît ici, dans cette présentation si particulière, c’est l’incroyable leçon que l’Égypte aura pu donner sur la vie. On a écrit depuis Champollion que c’était le pays de la mort. Cet art, qui est si souvent funéraire, n’est à peu près jamais proprement funèbre ; autrement dit : l’Égypte n’a jamais connu le squelette. Ce qu’elle allait chercher dans la mort, c’était précisément la suppression de la mort, le fait de concevoir la vie humaine comme une éternité. Vous revoyez comme moi la fresque de la reine Néfertari : elle va passer dans l’au-delà et elle joue toute seule, parce que le personnage qui joue avec elle aux échecs et qui joue son destin, c’est le Destin lui-même. L’Égypte antique aura joué cette partie incroyable en face du destin, qu’ayant presque exclusivement représenté des morts, elle aura été l’actrice la plus puissante de la vie qu’on n’ait jamais connue."

Parallèlement à l'histoire du jeune Pharaon mort à 18 ans et à celle de la découverte de sa tombe par Howard Carter, les croyances religieuses des Égyptiens étaient commentées et leurs rites funéraires décrits, les instruments nécessaires à l'embaument exposés à côté de l'incroyable débauche en or massif du mobilier funéraire.

Les  Égyptiens ne se contentaient pas d'embaumer les Pharaons, mais ils embaumaient également les chats, les Ibis... (cf. Le Musée des Confluences à Lyon). Entouré de chats dès ma petite enfance et en ayant possédé jusqu'à sa mort en 2015  un Persan prénommé Orange, je pense que j'aurais pu vivre dans cette Égypte antique qui les considérait comme des Dieux au point de les momifier !

L'embaumement désigne l'ensemble des techniques visant à conserver le corps de la personne morte dans un état plus ou moins proche de celui qu'il avait étant vivant afin de ralentir le processus de décomposition2 . Certains corps sont en très mauvais état : des accidentés, de grands malades et même des individus salement assassinés 3. Pouvoir les présenter décemment une dernière fois aux familles avant leur enterrement ou leur crémation est une question d'éthique, de dignité exigée par ces mêmes familles.

Pour ceux qui croient à la résurrection des corps à la fin des temps, la thanatopraxie s'apparente à une pratique qui n'est pas sans rappeler celle des Égyptiens, toutefois de nos jours les thanatopracteurs n'éviscèrent plus les cadavres qu'ils préparent pour une ultime présentation.

Croyance et espoir de résurrection ! Des entreprise nord-américaines n'offrent-elles pas, moyennant finances,  la conservation des corps par cryogénisation à moins 196 degrés dans l'espoir de les ressusciter un jour par les progrès de la médecine ? On peut rêver mais on congèle bien du sperme et des ovules... pour de futures PMA !

Aujourd'hui, sur l'internet, on peut voir des vidéos d'embaumement mais il y eut par la passé une remarquable série TV, que je considère comme la « Mère » de toutes les bonnes séries : SIX FEET UNDER : une série mortelle, comme elle a pu être qualifiée (2001-2005) ! Fan de cette série culte et addictive dont je possède tous les DVD, je suivais d'épisode en épisode d'un humour parfois très noir mais jamais de mauvais goût la vie de la famille Fisher, professionnels de la thanatopraxie et de leur employé Rico Diaz. Les gestes techniques de l'embaumement ne nous étaient pas épargnés et les cadavres à traiter étaient des plus divers.

Au Funérarium Fisher & Sons, on réparait un nourrisson victime de mort subite, un enfant de six ans, une star du porno ou bien une jeune femme le visage sévèrement aplati par la collision avec un feu rouge (dont on assiste aux circonstances incroyables de la mort accidentelle : un des épisodes des plus drôles de la série). La représentation réaliste de la thanatopraxie était un moment dans la fiction faite d'intrigues familiales parfois plus lourdes à supporter pour le spectateur que le descriptif du gagne-pain en sous-sol.

Ceux qui aiment les séries TV savent que l'acteur Michael C. Hall qui incarne le fils David Fisher, responsable du bon commerce du Funérarium incarne dans la série DEXTER, un tueur de tueurs-en-série ! Dans SIX FEET UNDER, le personnage répare les morts pour les exposer, dans DEXTER, il inflige la mort à des vivants et les fait disparaître et ce, dans un rituel et un décor assez proches du sous-sol de l'entreprise funéraire.

En 2008 La Sucrière lyonnaise abrita « The body, à corps ouvert » soit l'exposition de corps écorchés conservés par un savant procédé d'imprégnation polymérique dit « plastination ». Le docteur Gunther von Hagens en est l'inventeur. Il y eut de multiples controverses qui aboutirent par jugement à l'interdiction de cette exposition à Paris. Controverses nées de soupçons d'utilisation de corps de condamnés à mort chinois ou bien critique du but purement commercial d'une telle exposition ! Les lyonnais ont eu la chance de cette rencontre.

Quoiqu'il en soit, je fus envouté par l'étrange beauté de ces écorchés qui me rappelaient ce que je ne connaissais qu'en reproductions, c'est à dire les écorchés d'Honoré Fragonard  prélevés dans les Hospices, il y a 250 ans et relégués au Musée de Maisons-Alfort.  Dans les deux cas, il ne s'agit plus d'embaumement.
Une question toutefois : y-aura-t-il un jour des individus qui par contrat offriront leur corps une fois mort à l'entreprise de plastination de docteur von Hagens comme pour la cryogénisation ? Mais là, je m'égare.

Jean-Baptiste Carhaix, avril 2016.

1 Il y en eu une seconde en 2012.
2 Résumé d'infos trouvées dans un dictionnaire Larousse et en ligne.
3 J'ai appris cette information de Nicolas Delestre lorsque je l'ai rencontré la première fois.