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Méthode d'embaumement par M. le Dr Zygmunt Laskowski.


Voici le procédé de M. le Dr Laskowski, de Genève, tel qu'il l'indique lui-même dans son ouvrage sur l'embaumement, de 1886.

Le savant professeur commence par poser les conditions auxquelles il faut satisfaire pour que l'embaumement soit efficace et la conservation durable ; ces conditions sont les suivantes :

l° Avoir à sa disposition une solution parfaitement bien filtrée, dont la puissance conservatrice soit indiscutable et dont la composition chimique ne soit pas contraire à la loi et aux règlements de police ; 2° L'opération elle-même doit être pratiquée, par une personne parfaitement qualifiée et expérimentée, pour pouvoir vaincre toutes les difficultés, qui peuvent se présenter et elle doit être secondée, par des aides dont l'apprentissage ne soit pas à faire ; 3° Procéder à l'embaumement, dans le délai le plus court possible à partir de la mort ; 4° Enfin, isoler le corps embaumé, dans une atmosphère restreinte, à l'abri d'une humidité excessive.

A. — Liquide conservateur

M. le Dr Laskowski fait ensuite remarquer que c'est la glycérine, qui constitue le véhicule de la solution dans laquelle entre comme agents antiputrides l'acide phénique cristallisé et le bichlorure de mercure ; comme agent coagulable de l'albumine, le chlorure de zinc ; et comme substances aromatiques, des substances et des teintures variables, comme les essences de citron, de lavande, de bergamote, de girofle et les teintures de musc, de myrrhe, de benjoin, etc.

Il est nécessaire que ces substances soient très pures, particulièrement le chlorure de zinc qui ne doit pas contenir même des traces d'arsenic prohibé par la loi (1).

On prépare la solution de la manière suivante :

On verse 7 litres de glycérine blonde officinale marquant 30 degrés à l'aéromètre de Baumé dans un grand vase en verre pouvant contenir 12 à 13 litres de liquide, ensuite on fait fondre au bain-marie 250 grammes d'acide phénique cristallisé dans une capsule de porcelaine et on le verse, petit à petit, dans la glycérine en remuant le liquide avec une baguette en verre. On fait bouillir au bain-marie 2 kilogrammes d'alcool absolu dans lequel on fait dissoudre 500grammes de chlorure de zinc finement pulvérisé et parfaitement pur, ensuite on verse cette solution à travers un filtre en toile fine, dans la glycérine phéniquée, toujours en brassant bien le liquide.

Puis on chauffe de la même manière 1 kilogramme d'alcool absolu et on y fait dissoudre 250 grammes de bichlorure de mercure pulvérisé que l'on verse dans le liquide précédent à travers le même filtre. Les parcelles de chlorure de zinc et de sublimé corrosif qui ne sont pas dissoutes dans l'alcool, finissent par se dissoudre dans la glycérine phéniquée. Le liquide ainsi obtenu est parfaitement incolore et limpide, il possède des propriétés antiputrides merveilleuses. On ajoute alors à ce mélange les quantités voulues des essences et des teintures citées plus haut, pour donner à la solution l’arôme que l'on désire.

La solution est transvasée dans deux grands flacons bouchés à l'émeri et peut être conservée indéfiniment, toute prête à être employée.

B. — Instruments nécessaires.

Il faut une boîte complète d'autopsie, au cas où elle serait demandée, un trousse de chirurgien pour faire les ligatures, un appareil d'injection à pression continue (2), avec la poulie de suspension, et une série complète de canules droites et courbées de différents calibres, des cordonnets en soie blanche cirés pour les ligatures et les sutures, une pompe aspirante et foulante pour des injections partielles. S'il y a lieu d'en faire, du linge, des éponges, des épingles, des aiguilles courbées en quantité suffisante, en outre, une certaine quantité de ouate et une centaine de mètres de flanelle de 0,05 de largeur et une grande toile cirée, une grande cuvette et un gobelet de verre.

C. — Manuel opératoire

L'opérateur, aussitôt avisé, se rendra au domicile du défunt, examinera l'état du corps, la cause de la mort, et les conditions du local dans lequel il doit procéder à l'embaumement. On déshabille le corps, on le place dans un lit sur la toile cirée, on enveloppe la tête, le tronc et l'abdomen dans des serviettes trempées dans la glycérine phéniquée et exprimées, puis on couvre le corps avec le drap du lit et on ouvre les fenêtres pour l'aération. Puis on fait les démarches nécessaires pour obtenir l'autorisation d'embaumer. On fera si l'on peut l'opération le matin. On procédera avec beaucoup de propreté et avec une sage lenteur. L'opération dure généralement de cinq à six heures.

Le corps déshabillé sera placé au milieu de la chambre, la tête tournée vers la fenêtre, sur une table recouverte d'un drap et d'une toile cirée, généralement l'injection est faite par une des carotides primitives, elle peut être suffisante pour des individus jeunes, maigres, dont le système vasculaire présente une élasticité normale. Il en est autrement pour des personnes d'un certain embonpoint, dont le système veineux est gorgé de sang, et plein de caillots qui empêchent la pénétration régulière du liquide. La cause de la mort aussi doit être prise sérieusement en considération.

Dans ces derniers cas, il est constant que, les membres inférieurs ne s'injectant pas complètement, la conservation sera incomplète. Vite ils commenceront à se décomposer et exhaleront bientôt l'odeur désagréable de faisandage. Il faut donc faire l'injection des membres inférieurs séparément.

On pratique d'abord la ligature de la carotide primitive et après avoir lié son extrémité crânienne on fixe solidement la canule dans son calibre, en laissant dans la plaie le fil qui doit servir à la ligature définitive du vaisseau, lorsque l'injection est terminée. Ensuite, le Dr Laskowski fait la ligature des deux fémorales, à trois centimètres au-dessous de l'arcade crurale et il place dans les bouts périphériques des canules courbées solidement fixées.

Les choses ainsi disposées on commence l'injection. L'appareil fixé au plafond et rempli de la solution est élevé à un mètre au-dessus de la table (3). La tête légèrement soulevée et tournée du côté opposé à la ligature, on introduit le robinet dans la canule à frottement et on attend un instant, pour que la descente du liquide chasse l'air contenu dans le tube, on ouvre le robinet au quart et l'on observe le passage du liquide à travers la partie transparente du tube. Le liquide se précipite d'abord rapidement, puis, quand il a envahi les artères et les veines qu'il gonfle considérablement, sa marche se ralentit. Si tout va bien, s'il n'y a pas de fuite, on élève l'appareil encore d'un mètre et on ouvre le robinet de moitié. On voit alors sur la face, sur le tronc et les membres supérieurs les capillaires cutanés injectés, sous forme de plaques blanches arborescentes qui tranchent vivement avec la couleur de la peau, preuve de la bonne marche de l'opération. Ces plaques, d'abord disséminées, deviennent confluentes et la peau prend une coloration blanche uniforme. Après avoir ainsi injecté deux ou trois litres de la solution, on ferme le robinet et on interrompt l'injection pendant une heure. Dans cet intervalle, les aides frictionnent continuellement tout le corps avec des éponges trempées dans la solution conservatrice (4), on couvre l'abdomen et les organes génitaux d'une couche d'ouate mouillée dans la même solution et on recommence l'injection. Cette fois le liquide descend plus doucement, les veines se gonflent davantage et une certaine quantité de liquide reflue par la bouche et les narines. On dénude alors légèrement la jugulaire interne dans la plaie et, après avoir passé avec une aiguille de Deschamps sous le vaisseau deux fils à ligature, on pique cette veine avec la pointe d'un scalpel.

Il s'écoule par cette piqûre une grande quantité de sang noir qu'il importe beaucoup d'éliminer, car c'est un agent puissant de fermentation putride, grâce à la masse énorme de bactéries qu'il contient. Dès qu'on s'aperçoit que le liquide sortant de la veine est à peine coloré, on fait la ligature au-dessous et au-dessus de la piqûre et on arrête ainsi l'écoulement.

Lorsque le liquide commence à ne pénétrer que très difficilement, phénomène ordinaire après l'injection de cinq à six litres de liquide, selon les sujets, on lie solidement l'artère, on ferme le robinet de l'appareil et on enlève la canule. On place dans la plaie un peu d'ouate et on la ferme par une bonne suture.

L'injection des membres inférieurs s'opère identiquement de la même manière, mais, vu que la capacité vasculaire est plus restreinte, elle est beaucoup plus lente et exige une plus forte pression. Il faut à peu près deux litres de liquide pour produire la réplétion d'un membre inférieur.

Après avoir injecté un litre de liquide, on s'arrête pendant une demi-heure, on recommence ensuite l'injection, puis on pique de même la veine fémorale, seulement lorsqu'on a fait la ligature du bout supérieur. Le sang exprimé et la veine ainsi lavée, on la lie et on continue l'injection. Quand elle est terminée, on lie l'artère et on ferme la plaie par la suture (5).

Les effets immédiats d'une bonne injection se manifestent par plusieurs phénomènes faciles à observer. Le corps a gagné de l'ampleur, l'amaigrissement cadavérique de la figure a disparu, les traits deviennent plus animés et plus réguliers par suite de l'effacement presque complet des rides qui sillonnaient le visage. Le globe de l'œil se durcit considérablement, il devient légèrement proéminent, la cornée parfaitement transparente, les paupières un peu entr'ouvertes, donnent au visage l'expression de la vie, expression très singulière et dont les personnes qui ont connu le défunt avant sa mort sont vivement frappées. Si les yeux ne s'injectent pas convenablement, on peut faire la réplétion du globe de l'œil avec la même solution, à l'aide d'une seringue de Pravaz. A mon avis l'introduction, sous les paupières, de coquilles en cire ou en émail doit être abandonnée comme absolument inutile. La peau, en général, et particulièrement sur la figure, se décolore et devient parfaitement blanche. Cette blancheur s'accentue de plus en plus et au bout de quelques jours elle est mate comme du marbre.

Les tissus acquièrent de la fermeté élastique, les articulations conservent leur mobilité, on peut plier les membres avec une entière facilité.

Cette première partie de l'opération, la plus importante, sans contredit, une fois achevée, on procède à la toilette du cadavre.

Puis, après l'avoir badigeonné avec le liquide conservateur sans l'essuyer, on procède à son enveloppement général, avec des bandelettes en flanelle méthodiquement enroulées. On trempe les rouleaux de bandes dans la solution conservatrice, on les exprime suffisamment et on les roule très exactement avec une certaine force pour produire la compression autour du corps et des membres en laissant seulement à découvert la tête et les mains. On fixe les bandes avec un grand nombre d'épingles pour éviter leur déplacement. Les organes génitaux, recouverts d'une couche de ouate, seront compris dans le tour des bandes qui s'entrecroisent au niveau du périnée. Cela fait, on habille le corps selon la volonté et les convenances de la famille pour l'exposer ensuite publiquement ou l'enfermer dans le cercueil définitif. Ce cercueil sera en bois dur et doublé d'une lame de plomb ; car le corps embaumé doit être enfermé dans une atmosphère restreinte et à l'abri de l'humidité. On disposera uniformément sur le fond du cercueil une couche de myrrhe en poudre fine de deux ou trois centimètres d'épaisseur que l'on couvre d'un tulle.

La poudre de myrrhe a l'avantage d'absorber l'humidité et l'excès du liquide qui peut se produire, et, en même temps. Elle jouit de propriétés désinfectantes non équivoques. Puis, pour satisfaire aux règlements de police, on place dans le cercueil un flacon contenant du liquide, qui a servi à l'embaumement et qui est scellé par l'autorité compétente. (6)

Enfin, on place le corps dans le cercueil avec précaution, on le couvre de tulle et d'une mince couche de ouate, on soude le couvercle en plomb et on scelle celui en bois, sur lequel est fixée une plaque de cuivre gravé, indiquant le nom et les qualités du défunt.

(1) Décrets de 1846 et 1848.

(2) Il se compose d'un récipient en fer étamé qui peut être levé ou abaissé à l'aide d'une corde qui passe sur une poulie fixée au plafond. Sa capacité est variable et son fond s'allonge sous forme d'entonnoir terminé par une ou deux tubulures de 5 centimètres de longueur, auxquelles sont fixés des tubes en caoutchouc de 2 m, 25 de longueur, terminés par un robinet à frottement avec les canules. Afin qu'il soit possible d'observer l'écoulement du liquide, ces tubes sont interrompus dans un endroit et remplacés par un tube en verre.

(3) M. le Dr Laskowski n'emploie pas la seringue, qu'il dit être peu pratique pour les injections. En effet, la densité du liquide étant assez considération, il faut déployer une certaine force ; mais alors, les artères se déchirent, surtout chez les vieillards, dont les artères sont souvent athéromateuses, le liquide s'épanche dans les tissus, s'absorbe difficilement et la conservation en souffre.

(4) Cette manipulation a pour but d'égaliser la pénétration et la répartition du liquide dans les capillaires et surtout de faire pénétrer dans la peau par une sorte de macération une certaine quantité du liquide conservateur en ramollissant la couche cassée de l'épiderme.

(5) Quand on se trouve en présence d'un corps dont un commencement de putréfaction a ballonné énormément la cavité abdominale et les intestins, les ponctions à travers la paroi abdominale ne serviront à rien, il faut alors, pratiquer une incision sur la ligne blanche au-dessous de l'ombilic et ponctionner les anses intestinales séparément. Après la sortie des gaz, l'abdomen s'affaisse, on place dans la cavité de la ouate trempée dans le liquide conservateur et on fait la suture hermétique de l'incision.

(6) En ville, c'est par le commissaire de police du quartier qui a dû assister à l'opération d'embaumement.

source : L'Embaumement, la conservation des sujets et les préparations anatomiques, mémoire couronné par l'Académie des sciences de Caen, par le Dr S. Laskowski - 1886
source : Étude historique et critique des embaumements avec description d'une nouvelle méthode - Dr Parcelly - 1891